Seminario de Literatura contemporánea - Traductorado / Profesorado de Francés

Présence de la poésie et poésie de la Présence : Les Planches courbes d'Yves Bonnefoy

Instituto de Enseñansa Superior en Lenguas Vivas "Juan Ramón Fernández" - Buenos Aires (Argentina)

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Conferencia del escritor Jean Echenoz : "Estado de la prosa : ¿Cómo pensar hoy la literatura contemporánea?" - Lunes 2 de Mayo, 18.30 hs, Centro de Exposiciones La Rural, sala Leopoldo Lugones, pabellón Amarillo, Av. Sarmiento 2704, Buenos Aires.

Temas de examen.



* Diciembre 2008 : La critique contemporaine présente Yves Bonnefoy comme un « poète de la Présence » : en quoi l'étude des Planches courbes que vous avez menée vous permet-elle d'expliquer et d'illustrer cette conception ?

* Agosto 2009Dans La Poésie – Formes et fonctions (1988), le critique Jean-Louis Joubert estime que la poésie « vit […] dans «l'illumination» d’une présence, dans le vertige d’une disparition. » En quoi les poètes que vous avez lus et étudiés, de Baudelaire à Bonnefoy, vous permettent-ils d’éclairer cette opinion ?

* Diciembre 2009 : « Désireux de présence, le poète se refuse à déplorer comme à fuir, mais cherche à s’orienter, en revenant sur les leurres et les périls aussi bien qu’en posant de nouveau la question de l’espoir. » En quoi votre lecture des Planches courbes vous permet-elle d’illustrer et, le cas échéant, de nuancer le propos de Jean-Michel Maulpoix au sujet de la poésie d’Yves Bonnefoy ?

* Agosto 2010 : Sur son site internet, Jean-Michel Maulpoix définit la poétique d'Yves Bonnefoy comme une «proximité de la présence et du songe, de l'élémentaire et du lointain, de l'évidence sensible et de l'inconnu». En quoi votre lecture des Planches courbes vous permet-elle d'éclairer et d'illustrer ce propos ?

* Diciembre 2010 : Commentant un poème d'Yves Bonnefoy, Gaëtan Picon estime «qu'entre absence et présence, silence et parole, il y a un passage». Cette réflexion vous semble-t-elle pouvoir s'appliquer à un recueil comme Les Planches courbes ?

* Agosto 2011 : [Ningun estudiante inscripto para el examen].

* Diciembre 2011 : Évoquant une rencontre autobiographique avec Yves Bonnefoy, l'écrivain Stéphane Barsacq écrit : « Nous rentrons à Montmartre. Yves Bonnefoy me parle d'Homère, il me fait comprendre pourquoi Homère est aveugle selon le mythe ; c'est, me dit-il, que les Grecs ont voulu signifier que la poésie est d'abord une voix, la mise en forme de ce qui n'a aucune forme et qu'elle crée soudain, par la présence de la voix. » Vous commenterez et discuterez cette affirmation à partir de votre connaissance de la poésie moderne et contemporaine et de votre lecture des Planches courbes d'Yves Bonnefoy.

* Julio 2012 : Albert Béguin estime que le rôle de la poésie « est de toucher dans le concret à la présence de l'Invisible ». Votre lecture des Planches courbes d'Yves Bonnefoy vous permet-elle de partager ce point de vue ?     

VII) Le poème "Les Planches courbes" : un récit étiologique ?


* Lecture : section "Les Planches courbes" (formée elle-même d'un seul poème portant donc le même titre).
* Éléments pour un commentaire (écrit ou oral) :

Introduction :

«Les Planches courbes» : cette expression prosaïque a la particularité de renvoyer simultanément au titre du recueil d'Y. Bonnefoy, au titre de l'une des sections qui n'est elle-même formée que d'un poème unique se confondant avec cette dernière. C'est dire la portée sans doute synthétique et symbolique de ce texte, un récit en prose mettant en scène un enfant en quête de racines et un géant muni d'une barque, passeur d'âmes humaines par-delà un fleuve infini.
Ce texte possède la caractéristique rare d'associer, à l'image de tout le recueil, simplicité et profondeur : mais comment interpréter dans ce contexte prosaïque cet état de fait ? Par quelle alchimie la prose fait-elle naître un possible lieu faisant rimer poétique et métaphysique ?
I) Une simplicité prosaïque :

Ce récit puise déjà son caractère prosaïque dans son titre. "Les Planches courbes" n'appellent pas, a priori, poésie et versification. Ce texte expose donc, comme par instinct, un récit en prose qui tire de la simplicité un principe esthétique fondamental : «L'homme était grand, très grand, qui se tenait sur la rive, près de la barque.» (P101). Des premiers mots naît la fable, au sens latin du terme ("fabula", qui signifie "récit"). La simplicité et la monotonie calibrée du vocabulaire, la valeur de l'imparfait font que ce texte empreinte au conte sa légèreté et son efficacité stylistiques en posant, l'espace d'une phrase, un héros, un paysage, une histoire. L'alternance entre récit et discours, par l'intrusion du dialogue et du personnage de l'enfant, renforce cette impression du surgissement des mots du temps de l'enfance :

«- Bonjour, mon petit, répondit-il. Qui es-tu ?
- Oh, je ne sais pas ; dit l'enfant.
- Comment, tu ne sais pas ! Est-ce que tu n'as de nom ?» (P101).

Ces mots de l'enfance se fondent naturellement et instinctivement dans une prose simple qui trouve dans la naïveté infantile la justesse et la complexité des questions fondamentales : «Un père [...] qu'est-ce que c'est ?» (P102). La réponse de l'adulte-géant se moule elle-même dans la fonction première - primaire ? - du père : rassurer l'enfant du réel en l'en détournant par l'imaginaire... et la fable. «Un père ? Eh bien, celui qui te prend sur ses genoux quand tu pleures, et qui s'assied près de toi le soir lorsque tu as peur de t'endormir, pour te raconter une histoire.» (P102) La mise en abyme doit nous non pas inviter à considérer "Les Planches courbes" comme un conte mais à envisager la voix de Bonnefoy à la place de celle du conteur. Conteur tentant de réveiller par sa prose le coeur d'enfant sommeillant chez le lecteur adulte que nous sommes.


II) Une quête poétique :

La simplicité prosaïque ne contredit pas l'intention poétique : bien au contraire, elle y mène. Lorsque l'enfant répond au géant «sois ma maison !» (P104), celui-ci fait glisser la barque de la rive du récit vers celle de la poésie. La traversée du fleuve est aussi métaphoriquement celle du passage du récit prosaïque au poème en prose. Le langage infantile («Je resterais si volontiers auprès de toi sur la rive», P103) participe pleinement de cet effet. L'allitération en [R], l'assonance en [i], la reprise du son [v] enfin (seconde allitération) témoignent d'un instinct poétique et d'un appel à la poésie : ses trois sonorités, mises bout à bout [Riv], figurent, comme un écho disloqué, parce qu'encore prosaïque, cette oppressante demande d'un ailleurs géographique pour l'enfant et cette quête de l'autre rive (la poésie) pour le conteur Bonnefoy. L'attente de l'enfant et la recherche du poète ne faisant qu'une. L'une et l'autre se confondant pour qui ne saurait l'entendre. Toute la fin du texte confirmant par ailleurs l'enjeu réel des "Planches courbes" : les mots, qu'il s'agit d'«oublier» (P104) au profit, peut-être, des seuls sons, de la seule musique des mots, piste confirmant la démonstration que nous venons de mener. Tant il est vrai, à la manière d'une berceuse, que ce n'est pas tant le sens des mots que leur musicalité qui permet aux enfants de tomber dans les bras de Morphée lorsqu'on leur raconte une histoire...


III) Une profondeur métaphysique :

Ces mêmes enfants, à l'heure de s'endormir, se préoccupent-ils pour autant de métaphysique ? Sans doute, à lire Bonnefoy, mais sans le savoir eux-mêmes. Le rôle du géant et la fonction de la barque sont à cet égard significatifs. Le passeur se charge de nous immiscer dans la courbure des mots en nous conseillant d'oublier ces derniers dès lors qu'il s'agit d'interroger le monde par le poids et l'expérience - vaine - du langage. Si le géant renonce aux mots, c'est pour mieux épouser les Eléments. "Les Planches courbes" s'ouvrent sur «la clarté de la lune [...] posée sur l'eau du fleuve» (P101) et se ferment sur cet «espace sans fin de courants qui s'entrechoquent, d'abîmes qui s'entrouvent, d'étoiles.» (P104). Le rapport aux éléments et au cosmos imprime la dimension métaphysique du récit alors que la figure du géant n'est pas sans rappeler celle, mythologique, de Charon, passeur qui permit à Orphée, archétype du poète, de rejoindre le monde des morts en traversant en barque le fleuve Styx. Comme Charon s'est laissé charmer par le chant d'Orphée, le géant est sensible à la Parole pure de l'enfant jusqu'à lui permettre la traversée du fleuve infini, de la Nuit elle-même.
La profondeur des eaux interroge peut-être le pouvoir relatif des mots sur ce que sont la vie et la mort. C'est à une métaphysique des fluides qu'invite Y. Bonnefoy, où le cycle de l'eau rejoint celui de la vie : l'eau «emplit la coque de ses courants» alors que la barque croule mais ne rompt pas sous le poids des êtres et des choses, et alors que la «petite jambe» de l'enfant «est immense déjà» (P104). La métamorphose du corps de l'enfant s'inscrit dans une filiation avec le géant pour signifier une double adoption : celle, prosaïque, du passeur sur la personne de l'enfant et celle, plus métaphysique, de l'acceptation du précepte consistant à renoncer aux mots et à la Connaissance ultime par le biais de la Parole. Parce que celle-ci semble irrémédiablement vouée à l'échec, ou, peut-être, à la mort, à l'image d'Orphée perdant Eurydice. L'instabilité liquide et métaphorique de la nage, ou de la vie, étant sans doute préférable à l'autre rive, terre ferme et définitive du royaume des morts.

Conclusion :

L'apparente prose de l'enfance masque donc dans "Les Planches courbes" tout autant un désir de poésie à travers la musique des mots qu'un appel à la métaphysique. Pour mieux signifier le récit étiologique de la présence du monde et du rapport qu'ont les hommes avec leur propre questionnement autour de cette présence indéfinissable.
Cette prose de l'enfance, digne du Petit Prince de Saint-Exupéry, est une prose ultime qui pose les questions fondamentales («Et l'enfant de se demander maintenant ce que c'est qu'un père, une mère ; ou une maison.», P102). Tant il est vrai que les enfants, seuls, savent poser les questions les plus simples qui appellent pourtant des réponses qui échappent au monde des adultes. Parce que le temps de l'enfance, oscillant entre pureté et naïveté, n'est, momentanément, pas encore corrompu par l'expérience des mots et d'une grammaire ne révélant que peu de choses, si ce n'est l'impuissance réelle de dire.